Club de l'Histoire de l'Anesthésie et de la Réanimation

Hémodilution par sérums salés a la fin du XIX siecle

Exposition 2000 - Congrès de la SFAR - Paris

Cazalaà Jean-Bernard

date de publication : septembre 2000


  mise en ligne : jeudi 8 mai 2008




Une des importantes préoccupation des médecins des siècles derniers, est leur impuissance face aux hémorragies, souvent mortelles, du post-partum. On se rappelle que c’est à cette occasion que BLUMDELL (obstétricien) réhabilite, en 1815, la transfusion sanguine.

Jusqu’au milieu du XIXème siècle, les décès par hémorragies sont attribués à une insuffisance ou une altération des substances nutritives contenues dans le sang.
Les travaux de Friedrich GOLTZ en 1862 démontrent qu’en cas d’hémorragie importante, la capacité des vaisseaux devient trop grande et la vasoconstriction qui en résulte, est parfois insuffisante à rétablir une pression sanguine. L’injection massive de liquide dans les veines permet, dans de telles situations, d’augmenter le volume intra-vasculaire.

Le Pr. FORGUE écrit à la fin du XIXéme siècle :

"Une hémorragie peut étre mortelle alors qu’il reste encore dans le système circulatoire une quantité suffisante d’hématies pour entretenir la vie ; mais la masse du sang est tellement diminuée et la tension vasculaire si bas déchue, que le coeur, se contractant à vide, devient impuissant à maintenir en mouvement le sang restant. La mort n’est pas due à la dépréciation globulaire subite, mais à l’impossibilité de la circulation. Ajoutez à cette masse qui s’immobilise une quantité convenable de liquide, diluez-la avec une solution qui n’altère point les hématies, la vie redevient possible ; vous donnez le branle au courant circulatoire stagnant, les vaisseaux se remplissent, la pression se rétablit, et le coeur reprend son travail. Une semblable transfusion n’apporte aucun élément vivant ; elle n’a qu’une action simplement hydraulique."

Le principe de l’hémodilution est parfaitement décrit

Le mécanisme des injections massives est vite reconnu par les différents auteurs
JOLIET et LAFFONT, en 1878, font les premières recherches dans ce sens en injectant dans des cas d’anémie aiguà« une solution à 5 p. 1000 de chlorure de sodium.
Un an après, KRONECKER et SANDER, en Allemagne, après une série d’expériences, préconisent l’emploi d’injections salines dans les hémorragies mortelles.
En 1881, SCHWARTZ, de Halle, confirme ces expériences et fixe méme à 500 ml la dose minimale à injecter chez l’homme.
Cette méme année, BISCHOFF de Bâle, fait avec succès, une injection d’eau salée dans un cas d’hémorragie puerpérale grave. Il injecte par l’artère radiale 1250 grammes d’une solution de chlorure de sodium à 6 p.1000, additionnée de quelques gouttes de potasse caustique.
De plus, les travaux de HAYEM (hématologiste français 1841-1933) abondent vers cette thérapeutique puisqu’il démontre que, outre la remontée de la pression sanguine, les injections de sérum artificiel favorisent l’hémostase et présentent donc une double action dans les hémorragies aiguà« s par remplissage et hémostase.
Les injections alors préconisées doivent étre massives (1 à 3 litres), faites par voie veineuse, les effets étant beaucoup plus rapides, au besoin répétées selon l’état du malade et, la phase aiguà« passée, le relais peut-étre pris par des injections sous-cutanées.
En Angleterre, JENNINGS (1882), emploie systématiquement dans les cas d’hémorragies puerpérales les injections d’eau salée, tantôt isolement, tantôt combinées avec des injections de sang complet.
En France la solution saline la plus employée est celle qui découle de la formule de Hayem (1884) : Chlorure de sodium 5 g, Sulfate de soude 10 g, Eau distillée 1000g.

Outre les hémorragies puerpérales, les injections sont alors indiquées :
 dans les hémorragies aiguà« s extériorisées : traumatisme grave accidentel ou opératoire,
 dans les hémorragies dont le foyer est inaccessible : hémorragies intestinales de la fièvre typhoïde, hématémèse de l’ulcère de l’estomac, hémoptysie de la tuberculose, certaines hémorragies utérines : métrites, cancer, fibrome,
 voire méme en préventif avant de pratiquer une intervention chez un sujet anémié ou hémophile.
 Dans l’anémie chronique, cette opération est jugée d’une valeur plus que relative.

Les autres solutés de remplissage au XXéme siècle

Bayliss, en 1916 ajoute de la gomme d’acacia à un milieu salin mais ses complications allergiques firent abandonner ce produit.

Les gelatines : Hogan en 1915 est le précurseur de l’utilisation de ce produit mais nombreux inconvénient (état de gel solide à température ordinaire ,contamination par les spores tétaniques ). Lente mise au point à partir dès 1940 aux U.S.A (Campbell et Pauling).
En 1951 Tourtelotte obtient sous le nom de modified fluid gelatine une solution fluide jusqu’à 4°. Le produit de départ est une gélatine d’os de bovidé . Ses premières utilisations furent les terrains de guerre de Corée puis d’Algérie.

La polyvinylpyrrolidone : a été synthétisé en Allemagne par Hecht et Weese en 1940 ; plusieurs centaines de milliers d’unités ont été utilisés par les allemands durant le second conflit mondial. Il a été commercialisé sous les noms de Priston ou Kollidon en Allemagne de Subtosan en France, de Plasmosan en Angleterre.

Les Dextrans : En 1943 Gronwall et Ingelmann présentent le Dextran au congrés de l’association chirurgicale suédoise ; sa formule (C6H10O5)n est proche de l’amidon.

Les Hydroxyéthylamidons : les premières HEA ont été commercialisées en Allemagne puis aux USA dès les années 68 (Hydroxyethyl starch ) au poids moléculaire supérieur à 85000.