Club de l'Histoire de l'Anesthésie et de la Réanimation

L’anesthésie par asphyxie

Mémoires d’un eunuque dans la cité interdite

Dan Shi

date de publication : 1991

Présentation rédigée par Hotton Jacques

Edité par : Philippe Piquier
  mise en ligne : lundi 10 octobre 2011




Comme plusieurs petits garçons de son époque, Yu Chunhe est destiné à devenir eunuque au Palais Imperial en 1898. Devant subir une castration forcée, il bénéficiera d’une anesthésie par asphyxie dont il nous livre içi tous les détails….
Référence : Dan Shi, Mémoires d’un eunuque dans la cité interdite. Philippe Piquier, 1991

Maître Bi me fit entrer dans une pièce qu’il appelait son cabinet des purifications. Le lieu était très sommairement meublé : un lit en briques était dressé contre le mur du fond, à coté d’une table couverte d’instruments chirurgicaux et d’un réchaud à alcool, sur lequel était posée une casserole ; à gauche trônait l’armoire à médicament regorgeant de plantes séchées, de racines, de poudres, de pilules et d’onguents aux parfums entétants.

Un étrange à multiples tiroirs, d’environ un mètre de long sur deux de large attira mon attention. Maître Bi surprit mon regard ;
 ça, me dit-il, c’est le placard où je range les coffrets dans lesquels je conserve les parties de tous ceux que j’opère….

Tout en discutant ainsi il alluma son réchaud et se mit à faire cuire un œuf, mais je ne me sentais guère en appétit.
– à présent, ôtes ton pantalon et va t’allonger.

Il se tut brusquement et je me déshabillai dans un état second, comme drogué….

J’avais peur.

Maître Bi sortit l‘œuf de la casserole et après l’avoir épluché, il le posa dans une soucoupe ; puis il s’assit sur une chaise et se concentra un moment, les yeux fermés.

Au bout de quelques minutes, il se releva, il me demanda de regarder le plafond, et pendant que je levais les yeux, des quatre coins du lit, il tira des sangles terminées par des bracelets de fer qu’il me passa autour des chevilles et des poignets. Lorsqu’il m’eu écartelé….

Il attrapa une cordelette pendant à la poutre transversale qui surplombait le lit, et il m’en ficela la verge et les testicules, en serrant très fort, de la base à l’extrémité. Puis il tendit la corde au maximum… et j’eu l’impression que mes chairs se déchiraient…

J’avais la sensation de tomber dans un puits sans fond… je poussais une longue plainte aigà¼e…

 calme toi me dit maître Bi, tu ne sentiras rien, fais moi confiance.

Il se retourna et je l’entendis prendre quelque chose sur la table d’à côté. Lorsqu’il revînt se pencher au dessus de ma téte, je poussais un hurlement.
non, attendez !

 n’aie pas peur. Je vais juste te donner quelque chose qui va t’empécher de sentir la douleur, me dit-il ;

je m’exécutai en gémissant, et là , d’une brusque poussée, il me fourra l’œuf dur dans la bouche et avec ses deux mains, il me comprima les lèvres en me demandant :

 dis-moi, tu regrettes ou pas ? dépéche-toi de me le dire, tu regrettes ou pas ?
je voulus émettre un son, et comme ma gorge s’ouvrit, maitre Bi en profita pour m’enfoncer l’œuf au plus profond du gosier. Je ne pouvais plus respirer, j’étouffais. J’eu quelques sursauts convulsifs mais mes pieds et mes mains étaient fermement entravés. Je basculai dans un trou noir…
…l’intervention n’avait pas duré plus de dix minutes , je restai néanmoins deux heures sans connaissance et il demeura à mon chevet pour surveiller mes réactions….

Maître Bi, lui demandai-je un jour, avant de commencer à m’opérer, vous m’avez dit que vous alliez me donner un médicament. Au lieu de ça, vous m’avez enfoncé un œuf dans la bouche en me demandant si j’avais des regrets.

C’était ça le médicament, dit-il en souriant de sa supercherie. Un œuf pour t’obstruer la gorge et t’empécher de respirer. C’est ce qu’il y a de plus radical pour faire perdre connaissance. Si je t’avais opéré sans que tu sois inconscient, tu aurais trop souffert, alors je t’ai anesthésié à ma manière.

Quant à te demander si tu regrettais, c’était une question comme une autre pour t’ouvrir le gosier en te faisant parler… ;

J’entendis à peine sa réponse, tellement j’était troublé par la voix qui était sortie de ma gorge pour le questionner…

Maître Bi, ne trouvez-vous pas que j’ai une drôle de voix ?


A propos de la vie des eunuques dans la chine impériale, on lira avec grand profit le livre de Antonio Garrido : "le lecteur de cadavres" . Ce roman historique relate de facon passionnante la vie du premier medecin légiste de tous les temps . (voir PortFolio)

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