Au début de sa carrière, Clover recouvrait la téte et les épaules du patient d’une serviette. En dessous d’elle il tenait une compresse imbibée de l’anesthésique, habituellement du chloroforme, il agit de la méme façon pour le protoxyde d’azote. Il introduisit cette technique à l’UCH, mais Snow ne la mentionna qu’avec une certaine circonspection dans son On Chloroform and Other Anà¦sthetics de 1858 (p. 184), parce qu’elle ne permettait pas une surveillance adéquate hors des mains de
Appareil de Clover pour l’administration de chloroforme (1862)
En 1862, Clover inventa son premier appareil lors de son installation à Londres. Il le présenta à l’International Exhibition de 1862.
Il ressemblait à l’appareil de Snow du type « ballon », amélioré sur certains points. Dès le début, l’appareil a été l’objet de réserves sur son maniement et son encombrement. Pour beaucoup, seul Clover savait parfaitement l’employer.
L’origine de sa conception est dans le livre posthume de Snow On Chloroform and Other Anà¦sthetics (p. 80) :
La façon la plus sà »re pour commencer une anesthésie au chloroforme chez un patient sur le point de subir une intervention chirurgicale, est d’introduire une quantité mesurée de chloroforme dans un ballon de dimensions connues ; ensuite, de le remplir au moyen d’un soufflet ; puis, de le faire inhaler par le patient, l’air expiré ne pouvant revenir dans le ballon grâce à une valve anti-retour. En 1848, j’ai testé ce projet sur plusieurs cas, en utilisant la quantité de chloroforme nécessaire pour produire un mélange chloroforme/air de 4%. Les effets étaient constants et reproductibles ; les patients devenaient insensibles en trois ou quatre minutes et la vapeur était facilement respirée, car elle était parfaitement mélangée. Je n’ai pas cherché à généraliser cette méthode, car de temps en temps le ballon génait le chirurgien et en plus il y avait des difficultés pour reremplir le soufflet.
Clover conçut son appareil afin qu’un surdosage de chloroforme fà »t absolument exclu. Macintosh en explique ainsi le fonctionnement.
– Pour produire un mélange de chloroforme et d’air de 4 pour 100, il faut diluer le chloroforme d’un volume d’air 24 fois plus grand. Donc, un cm3 de chloroforme liquide, qui se volatilise en 300 cm3 de vapeur, sera mélangé à (300à—24) cm3 d’air et fournira 7500 cm3 de vapeur à 4%.
– Dans la figure de gauche, le soufflet en accordéon est rempli d’air au travers d’un valve unidirectionnelle ; la seringue contient un cm3 de chloroforme liquide. Un réservoir d’eau chaude, couvert à l’extérieur par du papier buvard, occupe le centre de la chambre de vaporisation. Cette chambre est reliée à un très grand sac-réservoir par un tuyau en caoutchouc de grand calibre. Dans la figure de droite, la compression du soufflet en accordéon envoie les 7200 cm3 d’air dans la chambre de vaporisation, où en méme temps est injecté lentement le cm3 de chloroforme. Un mélange de 4% de chloroforme s’accumule dans le réservoir. Le processus est répété jusqu’à ce que le sac soit complètement plein. le robinet [A] est fermé et le tuyau en caoutchouc est détaché de la chambre de vaporisation puis relié au masque. L’ensemble peut étre rangé dans un petit coffret.
– Le masque comprend deux embouts, l’un permet la connexion du tuyau au sac réservoir, et l’autre est la valve d’expiration à mécanisme à ressort conçue par Clover.
– Près du masque, à l’extrémité du tuyau reliant le réservoir au masque, une ouverture latérale permet éventuellement de diluer le mélange avec de l’air extérieur Cette dilution est calibré par l’ouverture plus ou moins importante de l’orifice. Si cet orifice est fermé, le mélange inhalé par le patient est celui contenu dans le sac, c’est-à -dire 4% de chloroforme. Cette possibilité de dilution du mélange inhalé permettait à la fois de rendre l’induction moins désagréable pour le patient et éventuellement d’ajuster la concentration pour l’entretien de l’anesthésie.
– En 1862, le masque était déjà doté d’un rebord gonflable.
– Voici le descriptif de la valve d’expiration.
La disque de la valve est fabriqué en ébonite. Il est traversé en son centre par une barre en T. L’extrémité de l’essieu porte une petite ressaut qui forme un support pour le ressort compressif. L’autre bout du ressort reste à l’encontre de la partie transversale. L’ensemble de l’assemblage de la valve était introduit dans l’orifice du masque correspondant à l’expiration.
En 1862, Clover donna les précisions suivantes dans le Medical Times : le soufflet avait un volume de 1.000 pouces cube (c’est-à -dire de 16.387 cm3). Ce volume était poussé à travers la chambre d’évaporation avec la main gauche, pendant qu’il injectait progressivement de la main droite à l’aide de la seringue graduée, 40 « minimes » (c’est-à -dire gouttes, environ 2 ml, équivalent à volume de vapeur de 45 pouces cube ou 0,75 litres) de chloroforme. La capacité du sac réservoir était de 8.000 pouces cube. Si l’ouverture prévue dans le masque se trouvait à moitié ouverte, le mélange inhalé était de 1½%.
L’esprit d’ingéniosité et de débrouillardise de Clover, était remarquable. La démonstration en est faite dans sa recherche de l’enveloppe du sac réservoir du mélange chloroformique qui devait étre imperméable au chloroforme. Il fit ses essais dans l’atelier qu’il avait installé chez lui au 3, Cavendish Place à Londres. Ainsi il conçut une enveloppe en papier bible sur lequel il appliquait un mélange de colle et de mélasse. Une autre solution possible était d’utiliser une baudruche originelle, c’est-à -dire une membrane traitée de cà¦cum de boeuf ; ce qu’on appelle en anglais « goldbeater’s skin », littéralement la peau faite pour les batteurs d’or.
Parmi les hôpitaux qui adoptèrent l’appareil, notons le Guy’s, le St-Mary’s et le Westminster. Clover lui-méme l’employa en routine pendant 6-7 ans jusqu’en 1870, notamment pour les dentistes de Londres.
Système de Clover avec recyclage respiratoire (1868)
Dès 1862, un regain d’intérét pour le protoxyde d’azote a lieu aux Etats-Unis, il est introduit en Angleterre par l’intermédiaire de Colton, la diffusion de cette technique est faite, lors du premier Congrès International de Médecine à Paris (1864). Par la suite l’américain Evans donna une série de démonstrations à l’Hôpital Dentaire de Londres et dans d’autres lieux, où il employa un sac-réservoir posé sur le sol.
Clover, assistant à ces réunions, s’aperçut rapidement que son appareil de 1862 se prétait mieux à l’administration du protoxyde d’azote que celui d’Evans : le calibre du tuyau d’alimentation était plus large et ce tuyau était armé par un fil métallique pour éviter son entortillement, défaut majeur du système Evans. En plus, son appareil comportait un masque équipé de valves précises et un bord gonflable adapté au visage du patient au lieu d’un embout buccal à tube inefficace et malcommode. Clover pensa aussi que le calibre du tuyau ne permettrait pas un débit de gaz suffisant en respiration forcée et décida d’ajouter un sac « supplémentaire ». D’une capacité de 200 pouces cube (3,3 litres), Clover le brancha en dérivation sur le masque au moyen d’un embout équipé d’un robinet d’arrét.
Le mode d’emploi donné par Clover est le suivant :
– Le réservoir [supplémentaire] doit étre vide et le reste ainsi pendant six ou sept inspirations, l’air résiduel des poumons est remplacé par l’oxyde nitreux. Le robinet est ouvert [d’admission au réservoir supplémentaire], qui se remplit d’une partie du gaz expiré ; lors de la prochaine inspiration le patient respire non seulement le gaz frais du ballon réservoir [B], mais aussi celui contenu dans le réservoir supplémentaire [b]. Par conséquent, sauf si le masque est mal appliqué, le patient ne respire pas du tout d’air extérieur. De plus, c’est une méthode économique. Pourtant, elle peut sembler inacceptable, car il y a réinhalation des gaz expirés. Néanmoins, ça n’a que peu importance si l’on considère que les poumons ne se vidant pas entièrement, nous respirons toujours de l’air expiré à maintes reprises.
[Cette dernière remarque fut à l’origine de virulentes critiques publiées dans les lettres à l’éditeur du British Medical Journal (BMJ) de l’époque.]
Une illustration plus précise du masque et du robinet d’arrét à double voies figure dans le livre de Coleman, Dental Surgery & Pathology, édité en 1881, un an avant la mort de Clover . Coleman était collègue éminent et loyal de Clover à l’hôpital « Dental » de Londres.
Coleman, (qui lui-méme conçut un appareil « économique » avec absorption du gaz carbonique expiré par le patientpendant le va-et-vient de la respiration sous l€˜anesthésie au protoxyde d’azote), ajouta ces précisions :
–Le masque est fabriqué en tôle fine à partir de plomb ou d’un alliage métallique, de telle sorte que l€˜on soit capable de le plier pour l’adapter à la forme du visage, et de le recouvrir de cuir. Comme le métal est susceptible de se casser, nous préférons un métal fin mais très dur. Le masque de notre fournisseur actuel est équipé d’un coussinet qui protège la figure du patient de l’air ou de l’eau, aux points de contact. Il est ainsi, d’une grande étanchéité vis-à -vis de l’air extérieur. Dans l’illustration, le A représente la sortie ou la valve expiratoire ; et le B, l’entrée ou la valve inspiratoire. Dans l’appareil que nous utilisons actuellement, il n’y a qu’une valve inspiratoire, conformément à la théorie actuelle de Clover. Le E indique où l’on pourrait attacher un réservoir supplémentaire pour économiser du gaz, mais ceci n’est pas nécessaire dans nos indications. Le C montre le robinet d’arrét à deux voies.
Il expliqua encore :
– L’objectif de n’avoir à notre disposition, qu’une sortie par la valve expiratoire, donne à l’utilisateur la possibilité de permettre au patient de réinhaler les gaz expirés, à partir du moment où ils se composent presqu’entièrement de protoxyde d’azote pur. Cela permet de l’économiser, sans porter atteinte aux résultats voulus, car ce gaz ne se décompose pas dans le système.
Plus de vingt ans après sa conception, vers 1890, la version évoluée de l’appareil se présentait ainsi.
Cette illustration (tirée aussi de Coleman) montre un modèle plus sophistiqué, conçu après 1885 sous l’égide de Clover à l’hôpital « Dental » de Londres. Cet appareil permettait également l’administration d’éther par le petit évaporateur situé dans le haut de l’appareil
Inhalateur de Clover à double flux
Vingt ans après les débuts de l’anesthésie, compte tenu des craintes croissantes envers le chloroforme en raison du taux de mortalité, et ayant constaté la très grande difficulté de faire inhaler l’éther par ses patients, Clover commença en pratique à donner en premier lieu du protoxyde d’azote, suivi peu après de l’éther. Pour cela il adapta à nouveau son inhalateur à chloroforme de 1862, tout simplement en réduisant les dimensions de son sac-réservoir.
Il se refusait toujours d’adopter la technique américaine, quelque peu ad hoc, qui mise à la mode sous l’influence du Dr. Bigelow, a été diffusée à partir de 1872 par le chirurgien et autorité ophtalmique M. B. Joy Jeffries de Boston. [Mme Duncum, l’auteur de l’oeuvre magistrale sur l’Histoire de l’Anesthésie par l’inhalation (1840-1900), la caractérisa comme étant « vigoureuse et faite à la va-vite »]. Donc, après février 1874 Clover était encore obligé d’écrire dans le BMJ qu’il avait peur personnellement de donner de l’éther pur au moyen d’une grande éponge chauffée à un patient déjà anesthésié profondément. Tout ceci le conduisit à inventer en mars 1873, un appareil exclusivement destiné à l’administration de l’éther, qu’il appela inhalateur à double flux.
En 1874, Clover en donnait la description suivante dans le BMJ :
Je n’emploie plus [l’appareil pour le chloroforme modifié] pour l’éther, sauf pour les opérations péri-buccale, depuis que je suis arrivé à fournir une vapeur d’éther suffisamment diluée par l’inhalateur que je vais décrire. Il consiste en un masque sans valves ; une boîte métallique qui mesure six pouces sur quatre, et cinq pouces de profondeur [donc, environ 15 à— 10 à— 12½ cm] ; et un tuyau élastique dont le diamètre est 5/8 pouce [1½ cm]. L’utilisateur suspend la boîte métallique à son cou, au moyen d’un ruban, ou bien cette boite est placée sur le lit du patient. A l’intérieur de la boîte se trouve un tuyau en cuivre très fin, qui conduit l’air expiré vers une valve qui ne s’ouvre que pendant la phase d’expiration. Ce tube est disposé dans un espace suffisamment grand au travers de la boîte [chambre d’évaporation] ; le tube est sinueux afin d’augmenter la surface d’échange. Le tuyau est recouvert extérieurement de tissu qui absorbe l€˜éther. Des chicanes de métal sont disposées pour diriger le courant d’air qui entre par la valve inspiratoire, vers la surface externe du tube expiratoire.<
– Le tube flexible qui mène au masque est relié au point B. La chambre d’évaporation de l’appareil qui contient la vapeur d’éther est désigné par E. Lorsque le patient inspire, l’air entre au point A et suit la route indiquée par les flèches ; lorsqu’il expire, le flux dans le tuyau flexible est inversé et entre le tube métallique par R et s’échappe par la soupape S.
– On remarque qu’en raison de l’évaporation de l’éther par l’air, la plus grande réfrigération se produit à l’extrémité du tube expiratoire, et qu’il va condenser beaucoup de la vapeur d’éther respirée par le patient. En outre, le courant d’air qui va vers le patient passe sur la surface extérieure du tuyau qui est réchauffé par les gaz expirés du patient qui le traversent. Une valve avec obturateur O permet de régler l’admission d’air additionnel dans le mélange inspiratoire sans reflux vers la chambre d’évaporation ; cette valve empéche aussi la sortie des gaz inspiratoires vers l’extérieur. Une valve semblable avec obturateur se trouve au bout du tuyau flexible près du masque. Au début elles sont ouvertes toutes les deux et ensuite elles sont progressivement fermées afin d’éviter toute toux ou résistance quelconque [de la part du patient] contre l€˜âcreté de l’éther.
– Après avoir fourni environ six à huit onces de l’éther [c’est-à -dire, 96-128 drachmes ou 170 et 227 grammes], il faut secouer l’inhalateur pour redistribuer le liquide sur le tissu qui couvre le tube d’expiration. A la fin de l’intervention, une quantité importante d’éther associé à un peu d’eau est trouvée dans le tube expiratoire, Il est possible de la récupérer au point S, en inclinant l’inhalateur. L’éther ainsi économisé [un souci non négligeable à l’époque] est à rectifier et réutiliser. €¦ Toutefois, l’avantage principal de cet appareil réside dans la stabilté relative du mélange éther/air, et qui, en assurant la quiétude totale du patient, empéche les conséquences néfastes d’une dose excessive. Bien que l’on puisse adapter cet inhalateur à double courant à d’autres anesthésiques, je ne l’utilise, en ce moment, que pour l’éther.
Présenté lors de la réunion de la British Medical Association à Londres en 1873, l’appareil ne jouit jamais d’une grande popularité chez ses collègues, mais à mon avis il est digne d’attention puis qu’il reflète l’intérét particulier de Clover à la logique du mécanisme des valves. Il l’utilisa au moins une année.
Appareil pour l’administration séquentielle de protoxyde d’azote et d’éther (1876)
Pendant cette période Clover travailla chez lui sur différents modèles en vue d’administration séquentielle d’oxyde nitreux suivi d’éther. En 1874, il présenta un prototype à la réunion annuelle de la British Medical Association de Norwich, où il avait fait ses études et où son aïeul Joseph Clover (1725-1811), le premier vétérinaire moderne et scientifique d’Angleterre, ainsi que son oncle Joseph Clover (1773-1853) le portraitiste et paysagiste, restaient encore célèbres.
Voici aussi une version équipée de deux obus placés par terre, position préconisée par Dudley Buxton dans son Anà¦sthetics €“ Their Uses and Administration de 1900 pour éviter des incidents, par exemple une interruption du flux de gaz :
Clover expliqua en 1876 dans le BMJ qu’il avait utilisé cet appareil dans 2.300 cas et qu’il était déjà utilisé auprès des hôpitaux de Saint- Barthélémy (« Bart’s »), d’UCH, de Saint-Mary’s, et au « Dental ». Il consistait en un réservoir souple, de forme en ovale et de 15 pouces [38 cm] de longueur. A une extrémité le sac réservoir est relié à l’évaporateur d’éther et à l’autre au masque. A l’intérieur du réservoir souple, un tuyau flexible est aussi relié au masque et à l’évaporateur prévu pour l’éther :
L’explication du schéma ci-dessus est donnée dans les légendes :
Lorsque l’administrateur veut donner de l’éther seul, il coupe l’arrivée de protoxyde d’azote par le robinet d’arrét m.
Clover donna cet éclaircissement :
– En tournant le régulateur €¦ on laisse respirer le patient, soit directement dans le sac réservoir, soit indirectement par la tubulure et le récipient d’éther. Lorsque la lettre G se voit (au cadran), le seul accès au sac est par le tube et l’évaporateur d’éther, de telle sorte que plus le régulateur va vers le point E, plus on a d’éther, et vice versa. L’évaporateur d’éther dispose d’un réservoir d’eau pour empécher que la température de l’éther ne baisse par trop. On doit le maintenir plein. Il faut encore que l’évaporateur d’éther soit rempli à plus de la moitié, le point précis étant indiqué sur la jauge de verre. Un thermomètre interne indique la température de l’éther. Avant utilisation, l’évaporateur doit être trempé le récipient dans une cuvette d’eau chaude, jusqu’à ce que le thermomètre indique 68° F [soit, 20°Celsius]. Si la température ambiante est froide et la joue du patient maigre ou la barbe ou la moustache épaisse, on peut la relever à 73° F [soit, 23° C]. Il est très important que le masque soit bien adapté au visage.
Clover ajouta :
– Pour donner uniquement du protoxyde d’azote : on tourne le régulateur sur G. Le robinet d’arrêt de l’évaporateur d’éther est fermé. Cet évaporateur s’accroche par une lanière autour du cou [de l’administrateur]. On ajuste la lanière pour que l’évaporateur d’éther soit plus haut que le masque. On ouvre le gaz [protoxyde d’azote], en faisant tourner la clé avec le pied. On s’assure que le sac réservoir reste rempli sans étre vidé par le patient. Lorsque ce dernier expire, l’alimentation en gaz s’arréte ; et si le sac réservoir est trop plein, une valve d’échappement s’ouvre et permet au gaz expiré de s’échapper ...
– Si l’éther s’emploie sans protoxyde d’azote : on enlève le tube à gaz [protoxyde d’azote] et on met le régulateur en position G. En premier lieu, il faut appliquer le masque au visage pendant une expiration €¦ ensuite on tourne progressivement le régulateur vers l’E ; ouvrant ainsi la voie du tube interne. L’air expiré transporte la vapeur de évaporateur vers le tube interne. Dès que la moitié de l’air expiré est passée au travers de l’évaporateur d’éther, la concentration de vapeur augmente suffisamment pour provoquer l’insensibilité, normalement environ deux minutes après, sans aucune toux €¦
– La façon la plus facile et la moins désagréable de préparer le patient à une intervention chirurgicale, est d’utiliser ensemble lle protoxyde d’azote et l’éther : le gaz est donné sous forme pure pendant quatre ou cinq respirations puis on ajoute peu à peu de l’éther. L’alimentation en protoxyde d’azote doit s’arréter du moment que l’on ouvre l’éther.
Quelques modèles comportaient une chambre d’expansion cylindrique fixée à la sortie de l’obus de gaz au point g. En voici un exemple, qui met mieux en évidence la jauge :
Clover l’appelait le « raréfacteur de gaz », en expliquant :
– Une distension soudaine accompagnée de l’éclatement du sac ne peut guère arriver si l’on emploie le raréfacteur de gaz ; mais si l’on n’en fait pas usage ou si la bouteille à gaz gèle [à cause de la présence de la vapeur d’eau en cas d’une impureté dans le protoxyde d’azote] il est souhaitable que l’on réchauffe la bouteille ; plutôt à l’exrtrémmité comprenant le robinet qu’à l’autre
Si l’on se base sur le schéma de Buxton : lorsque l’administrateur veut donner du protoxyde d’azote seul, il met le robinet d’arrét, soit le régulateur O situé derrière le masque en position E pour avoir ce gaz. Le flux de gaz donc passe dans le sac d’inhalation D et ensuite au masque. Le gaz expiré s’échappe par la valve expiratoire p. S’il veut administrer un mélange de protoxyde d’azote et d’éther, il met le régulateur O comme il le désire et tourne le robinet k situé au sommet de l’évaporateur d’éther C. Le gaz passe par la chambre d’évaporation C avant d’arriver au masque par le tuyau flexible n (dans le sac D).
La figure montre les détails du robinet d’arrét/régulateur :
– n’’= la jonction du robinet d’arrét avec le tube n
– D’’ = la jonction du robinet d’arrét avec le sac D
à€ gauche le robinet d’arrét/régulateur à trois positions sa, sg et se, qui correspondent respectivement à l’air, au protoxyde d’azote et à l’éther. à€ droite, l’index rotatif du régulateur est en position médiane (l’axe w est indiquée en pointillé), pour donner un mélange de 50% protoxyde d’azote et 50% éther.
La jauge du niveau de l’éther et le thermomètre ne sont pas montrés.
Inhalateur portatif et réglable pour l’éther
Intéressons nous, maintenant au modèle portatif, que Clover présenta dans le BMJ de 1877. Ironiquement c’est pour cet appareil que Clover le plus connu, quoique personnellement il n’y fà »t pas particulièrement attaché, préférant tout simplement son inhalateur à gaz et éther. S’il eà »t vécu plus longtemps, iI lui aurait certainement apporté quelques modifications pour corriger plusieurs défauts génants constatés à l’usage,
Ceci dit, voici comment Clover présenta schématiquement son appareil dans le BMJ. Et il l’explique de manière assez simpliste :
– 1. Il n’a pas de valves
– 2. Il fournit si graduellement l’éther que les patients respirent tranquillement
– 3. Il produit le sommeil en deux minutes
– 4. Il n’exige point d’éther frais pour assurer la suite de l’opération
– 5. Le rétablissement du patient après une opération de courte durée est plus rapide que de la plupart des inhalateurs
– 6. On n’a pas besoin de le chauffer au préalable
– 7. Ni de l’éponge ni du feutre ne sont requis.
– 8. On peut mettre de côté l’éther restant dans l’inhalateur pour une autre occasion
C’est le système de €œbout de sifflet€ (autrement dit, « whistle tip » en anglais) qui éveille la curiosité :
L’élément S, qui comporte l’ensemble : sphère et chambre d’eau, peut se tourner à 180° sur T. Lorsque FT se trouve au dessus, les orifices et les parois ont un tel rapport, aux uns, aux autres, que O et O’ sont fermés. Le patient respire et inspire directement dans le ballon réservoir.
Mais au fur et à mesure que S tourne, l’ouverture de O et O’ s’accroit et les orifices dérivent une quantité croissante d’air vers E. La proportion d’air passant dans E est indiquée par l’index i fixé au mur de T sur l’échelle gravée sur C.
Voici un diagramme des différents trajets d’air possibles en fonction des différentes graduations 0, 1, 2 0u F (plein).
Clover continua :
– Le masque est bordée d’un coussinet d’air. Le compartiment d’éther ainsi que la chambre d’eau tournent sur le support du masque. Lors de la première application de l’instrument, le bouchon doit se trouver en face du front du patient, et alors il respire et inspire directement du ballon-réservoir. Au fur et à mesure que le compartiment d’éther tourne, l’air est dérivé vers lui avant d’arriver dans le ballon réservoir. Lorsque le compartiment est perpendiculaire, le bouchon est en face de la joue du patient, tout l’air entrant ou partant du ballon réservoir passe forcément par le compartiment d’éther. Deux onces [c’est-à -dire 32 drachmes ou environ 57 grammes] d’éther, dont la densité s’élève à 735 aux termes de pesanteur spécifique, suffisent pour une longue opération. Normalement la dose de charge est d’une once et-demie.
– L’ouverture pour l’approvisionnement de l’éther est aménagée afin d’empécher un surdosage massif. Ainsi, pour éviter que l’éther sous forme liquide parvienne aux lèvres du patient, deux pièges sont prévus pour recueillir les quelques gouttes qui s’échappent par les orifices internes.
– Le compartiment d’éther a la forme d’une sphère, entourée à moitié par un compartiment étanche d’eau, pour empécher que l’éther ne devienne trop froid. On peut tenir le ballon réservoir de côté pour ne pas barrer la lumière lorsqu’il s’agit une intervention sur l’oeil. L’appareil est prévu pour administrer l’éther sans gaz. Cependant, en reliant le ballon réservoir à une source de protoxyde d’azote, il peut remplacer un l’inhalateur à gaz et éther.
Macintosh en explique la physique de cette façon :
Dans les appareils anesthésiques, on peut utiliser la haute chaleur spécifique de l’eau pour éviter une baisse rapide de la température d’éther liquide €¦ L’inhalateur de Clover nous fournit d’un exemple.
– Dans l’appareil de Clover [de 1877] un compartiment à eau, fermé hermétiquement, entoure la moitié de la chambre d’éther. L’eau mise dans la chemise autour de l’inhalateur sert comme source de chaleur pour vaporiser l’éther. La manière dont cela s’effectue peut entraîner deux processus distincts. La capacité de la chaleur de l’eau à refroidir à partir de la température ambiante jusqu’au point de congélation nous donne une source évidente de chauffage. Lorsque l’eau arrive à zéro, cette source, c’est-à -dire la capacité de la chaleur de l’eau, s’épuise. Si l’eau commence alors à geler, la chaleur latente produite de la cristallisation de l’eau devient disponible sans une baisse additionnelle de la température. L’inhalateur se comporte de façon semblable au vaporisateur d’Oxford en tant que l’eau cristalline (autrement dit, la glace) fait fonction du chlorure de calcium dans le vaporisateur d’Oxford comme réservoir de chaleur.
Ensuite il donne l’exemple chiffré suivant :
– Le récipient d’eau renferme 80 cm3. La chaleur spécifique d’eau est égale à 1. Alors, la quantité de chaleur dégagée lorsque la température descend de 20°C à 0°C est 80 à— 1 à— 20 = 1 600 calories.
– La chaleur latente1 de la cristallisation d’eau s’élève à 80 calories par gramme. Alors, la quantité de chaleur dégagée, si 80 cc [cm3] à 0°C sera transformé en glace, sera égale à 80 à— 80 = 6 400 calories.
– Donc, la chaleur totale disponible, avant que la température descende plus bas que 0°C, en est la somme de 8 000 calories.
– Etant donné que la chaleur latente de l’évaporation d’éther est 65 calories/cm3, les 8 000 calories suffisent pour vaporiser 120 cm3 d’éther (123,1 cm3 strictement parlant). En effet, d’autres sources pour l’approvisionnement de chaleur sont présentes à l’éther dans l’inhalateur. L’appareil de Clover, étant fabriqué de métal, assure un transfert par l’intermédiaire de la main de l’anesthésiste ; et puisqu’il s’agit d’un système clos, la vapeur d’eau provenant des expirations du patient constitue une alimentation de chaleur additionnelle non-négligeable. Le compartiment d’eau produit l’effet de stabilisateur sur les variations de température, que l’on utilisera plus tard (chez Macintosh et Epstein) pour l’appareil Emotril dans le cadre d’analgésie par trichloroéthylène et dans le cas de l’inhalateur EMO pour l’anesthésie par l’éther.
Deux adaptations sont à signaler. D’emblée Charles Sheppard, un anesthésiste jeune et prometteur, juste avant sa mort précoce en 1891 surmonta le manque de flexibilité de l’appareil en introduisant une pièce réglable à l’angle voulu. Il est connu comme Sheppard’s angular adjuster (donc, régulateur de l’angle) ?
Les modifications effectuées par Hewitt vers 1901 (donc, presque 25 ans plus tard) évitèrent des fuites au point de la jonction des « bouts de sifflet ».
Si je les comprends bien, elles se résument ainsi :
– 1. le calibre du conduit d’air devint plus grand
– 2. Le tube central se tourne dans le réservoir fixe, à l’opposé de la rotation du réservoir d’éther sur le tube central
– 3. Le masque se visse au réservoir afin que ces deux éléments ne se séparent jamais à l’improviste
– 4. On pouvait ajuster le réservoir d’éther, quelle que fà »t la position du patient, afin que l’on fà »t à méme de verser l’éther à travers son tube au goulot large sans devoir enlever le masque du visage. Tout ceci exigea une adaptation du mécanisme intérieur : Sir Frederic Hewitt (1857€“1916), nommé anesthésiste au Charing Cross Hospital, London, en 1884, au National (plus tard le Royal Dental) Hospital en 1885, et au London Hospital in 1886, et fait chevalier en 1902, mit deux tubes séparés à l’intérieur : ces deux tournaient sur un méme axe par le biais d’un guide introduit dans chacun d’eux. On montre les conséquents de sa pensée comme suit :
Suites de l’appareil de Clover de 1877
Quinze jours environ, après l’introduction de son modèle portatif par Clover, Lambert Hepenstal Ormsby (1850-1923), chirurgien néo-zélandais de Dublin, Irlande, aussi fait chevalier en 1903, décrivit le sien, qu’il avait testé pendant neuf mois avant de le présenter dans les journaux :
Pour mieux comprendre son fonctionnement, voici un schèma tiré du livre Anà¦sthetics and their Administration de Hewitt (dans sa 2ième édition mise au point par Henry Robinson en 1902) :
Au point de courbure intérieur, le tube Fu se sépare en deux voies (dont une seule est montrée). Ces deux bras, multiperforés, pénètrent l’éponge. Dans la partie élargie O du tube Fu, qui s’érige au dessus du masque se trouve une fente Sl. Un capuchon Ca, équipé d’une fente semblable, couvre D. En tournant Ca sur O, pour que les fentes coïncident, de l’air entre à l’intérieur de l’inhalateur : dans le cas contraire, l’air sera exclus. On peut aussi se servir de l’élément Fu pour transvaser de l’éther. Cet inhalateur devient tout des suite à la mode, en priorité sur celui de Clover. Il était préférable à l’inhalateur de F.E. Junker de 1867, dont nous montrons une image dans sa version dite « unsafe », soit peu sà »re, car il était trop facile de confondre les deux tubes fixés à la bouteille de chloroforme. Il resta encore populaire jusqu’à la fin du siècle mais resta exposé à la critique de Clover car il occupait les deux mains de l’anesthésiste.
L’utilisation de l’inhalateur d’Ormsby, marquant effectivement un retour aux méthodes américaines, se répandit rapidement après six mois, non seulement dans les hôpitaux principaux à Londres et à Dublin, mais aussi à Manchester, Birmingham, Leeds et Liverpool. Pourquoi ? Peut-étre parce que Clover n’en étant pas enthousiaste, ne fit qu’un bref exposé dans un journal.
Seize ans après, Hewitt exprime une opinion d’une vraie délicatesse
– pour anesthésier au moyen d’éther « aucun appareil n’est comparable à celui inventé par Clover, puisque la vapeur anesthésique est inhalée tellement progressivement que le premier malaise est réduit au minimum. Cependant, pour l’entretien [de l’anesthésie], l’appareil [de Ormsby] est valable, et pour un grand nombre de cas de qualité supérieure à celui de Clover. A plusieurs reprises j’ai échangé le modèle de Clover contre celui d’Ormsby, améliorant ainsi d’une façon prononcée les symptômes du patient. Par exemple, j’ai souvent remarqué que la cyanose se dissipe rapidement et que la respiration devient moins entravée, en effectuant cet échange d’inhalateurs durant la [phase d’] anesthésie profonde obtenue avec l’éther ».
Hewitt résolut la difficulté principale chez Ormsby, de la baisse trop importante de température de l’éponge, en essorant l’éponge dans de l’eau chaude avant de commencer ; ou en chauffant le corps de l’inhalateur, en remplaçant l’éponge gelée pendant l’administration, et par d’autres astuces. [Voir les points 6 et 7 dans l’introduction de Clover citée ci-dessus.] Il continua :
– Le mieux, ce serait de faire de sorte que la cage soit fabriquée de telle sorte qu’elle admette une petite chambre d’eau métallique. En la divisant longitudinalement en trois compartiments et en y attribuant la section centrale à la chambre d’eau, on laisse les deux autres à deux éponges.
Une version intéressante de cet inhalateur est celui modifié par John Francis Carter Braine, par lequel on donna des anesthésiques en séquence, l’ACE (c’est-à -dire, le mélange de l’alcool éthyle [en une part] avec le chloroforme [en deux parts] et l’éther [en trois parts]), ou le chloroforme, ou l’éther séparément :
Buxton l’explique :
– Le tout est fabriqué de métal nickelé et tous les éléments sont facilement accessibles pour les rendre aseptiques dans une bouilloire. La valve d’air est libre et numéroté comme chez Clover. La cage, étant rigide et élaborée de manière très ouverte, n’est pas compressible, permet une respiration libre, et ne peut se rétrécir à l’usage. Le ballon de ventilation d’un diamètre de 12 pouces (30,5 cm) n’a pas besoin du filet. La cage qui porte l’éponge et le ballon se fixe par une douille à baïonnette. Celui-ci est doté d’un dôme supplémentaire, qui est construit en métal et librement perforée à son extrémité : elle remplace l’autre dôme en s’accommodant d’une fixation semblable au masque. Cet accessoire est très utile pour l’administration du mélange ACE ou pour l’éther lorsqu’il faut beaucoup d’air frais, comme dans le cas de jeunes enfants et de patients très fréles.
Aurait-il mal compris l’objectif de Clover ? [Voir le point 2 dans l’introduction de Clover citée ci-dessus.]
Aussi, bien connu des français nous devons faire allusion à l’appareil de Louis Ombrédanne (1871-1956), qui remonte à 1908 :
Voici le mécanisme intérieur de la prise d’air, « mise dans son lieu de pénétration » pour ainsi dire, au point K dans les images suivantes du schéma de l’inhalateur :
D’après les articles relativement nombreux du BMJ de l’époque, l’inhalateur de Clover assuma un rôle continu et important (aussi pour les américains) dans le cadre de la chirurgie militaire pendant la Grande Guerre de 1914, ainsi que durant la seconde guerre mondiale, malgré le développement par Macintosh, encore un néo-zélandais, de son appareil pour les troupes aéroportées britanniques. C’est Macintosh, qui occupa la première chaire de l’anesthésie et resta un fervent admirateur de Clover, qui en 1952 caractérisa l’appareil d’Ombrédanne comme une copie flagrante de celui de Clover, ainsi qu’un plagiat notable.
Nous savons que celui d’Ombrédanne fut utilisé en mars 1953 à Dién Bién Phu, ainsi que pendant la guerre du Viét-Nam. Selon le Dr. Ch. Laigle et ses collègues :
La pratique de l’anesthésie générale à l’éther au masque d’Ombrédanne, en association avec le Nesdonal, sans curarisation ni intubation trachéale s’est révélée une technique fiable, malgré sa rusticité2, devant la gravité de l’état des patients.
En revanche, je me permets de vous mentionner que lors de mon service militaire j’ai été jeune lieutenant dans le 3e bataillon du régiment parachutiste britannique. Là , j’ai connu très bien Sandy Cavenagh, son médecin-capitaine et l’auteur du livre Airborne to Suez. Lui, blessé à l’oeil pendant sa descente sur la zone de parachutage d’el-Gamel en 1956, peut donc confirmer que son homologue du 2e bataillon a utilisé l’inhalateur de Clover.
Anthony Clover
Références :
– The Development of Inhalation Anaesthesia with Special Reference to the Years 1846-1900 par Barbara M. Duncum [Oxford University Press, 1947]
– Physics for the Anaesthetist Including a Section on Explosions par Sir Robert Macintosh, William W. Mushin et H.G. Epstein [Blackwell Scientific Publications, Oxford, England, 1958]
– Anaesthetics and their Administration : A text-book for medical and dental practitioners and students par Frederic William Hewitt [Macmillan 1907]
– The Development Of Anaesthetic Apparatus par K. Bryn Thomas [Blackwell Scientific Publications, Oxford, 1975]
1 changement de température On pourrait définir celle-ci comme le nombre de calories requis pour changer un gramme de liquide en vapeur €“ c’est exprimable aussi en termes de volume, alors par cm3.
2 http://www.histanestrea-france.org PRATIQUE DE L’ANESTHESIE REANIMATION AU COURS DE LA BATAILLE DE DIEN BIEN PHU
Dr Ch. LAIGLE, Dr F. OliVE, Dr S. OliVE, Dr L. DOMANSKI, Pr M. RàœTTIMANN, Dr J.J. KOWALSKI Brigade de Sapeurs Pompiers de Paris JEPU2003