Club de l'Histoire de l'Anesthésie et de la Réanimation

Suzanne Estanove (1928-2015)

  mise en ligne : dimanche 6 mars 2016




 Née Suzanne Favre le 16 mai 1928 à Moye en Haute-Savoie
 à‰tudes médicales à Lyon 1947-1954
 Externe des Hôpitaux des Hospices de Lyon 1951
 Doctorat en médecine 1954
 Diplômée d’anesthésiologie 1955
 Anesthésiste-Réanimateur des Hôpitaux 1956
 MCU et chef de service adjoint 1970
 Professeur des Universités et chef de Service 1976
 Chevalier dans l’Ordre National du Mérite 1995
 Professeur Honoris Causa de l’Université de Kunming, République Populaire de Chine, 1997
 Décédée le 10 novembre 2015 à Lyon.

Suzanne Estanove (1928-2015)

Lors de l’enterrement de Madame Estanove un Hommage lui a été rendu par Jean Neidecker

En début d’internat lors de mon premier contact avec le service de Réanimation de l’Hôpital Cardiologique, je demandais à rencontrer le Professeur Estanove. On me dirigea alors dans un local, à l’époque, peu hospitalier sans lumière du jour, vers une dame tout de vert vétue prodiguant des soins aux patients d’une voie douce, leur tenant la main, tout en donnant des ordres assez fermes à diverses personnes.
Ce fut là est là mon premier contact avec Suzanne Estanove. Cette attitude m’avait impressionnée et tant marquée qu’elle fut finalement le début d’une longue collaboration.
Suzanne Estanove a obtenu son doctorat médecine en 1954 après des études faites à la Faculté de médecine de Lyon. Dès 1951, elle fut nommée externe des hôpitaux. Lors de ses stages en service chirurgie, ce furent ses premiers contacts avec l’anesthésie : discipline balbutiante et peu valorisée à l’époque, donc traditionnellement dévolue au moins expérimentés des praticiens.
Très rapidement cette attitude l’a surprise et contrariée et elle décida alors de s’investir pour que les patients bénéficient de soins adéquats, l’anesthésie ne devant pas étre le parent pauvre de la médecine moderne.
En 1956, elle fut nommée anesthésiste-réanimateur dans le service du Pr. Santy qui, en collaboration avec le Pr. Marion effectuait le traitement chirurgical « des enfants bleus ».
Ce fut le début d’une carrière dévolue à l’anesthésie-réanimation en chirurgie cardiaque et thoracique. A cette époque l’équipement d’anesthésie était rudimentaire et les services souvent mal équipés. Ainsi elle se plaisait à raconter qu’ayant pu s’acheter sa première voiture, elle s’était procuré un des premiers ventilateurs d’anesthésie venant de Suède, et que, pour assurer une meilleure prise en charge des patients, elle transportait elle-méme cet appareil entre ses 2 sites d’activité de l’époque : le centre cardiovasculaire Paul Santy, situé dans les locaux de la Clinique du Parc, et l’Hôpital Saint Joseph. C’était le début d’une collaboration étroite avec les Prs Santy et Marion. Cette période était aussi marquée par l’arrivée en pratique clinique des interventions sous circulation extracorporelle avec tous les aléas rencontrés à l’époque.
La renommée internationale du Pr. Santy, fut l’occasion pour Suzanne Estanove d’établir des relations avec des centres spécialisées en chirurgie cardiaque de plusieurs pays. En Amérique du Nord plus spécifiquement, où elle établit des liens d’amitiés avec le Pr. Kirklin à la Mayo Clinic.
De grands changements arrivent en 1970, car Suzanne Estanove rejoint les Hospices Civils de Lyon en tant que chef de Service adjoint du Pr. Raymond Deleuze sur le site de l’Hôpital Cardiologique qui vient d’étre inauguré avec une nomination en tant Maître de Conférence des Universités. Mais lors de sa prise de fonction sa déception fut grande : le service de Réanimation avait été oublié. Une solution de remplacement fut trouvée dans un vaste local rectangulaire sans fenétre auquel je faisais allusion au début de mon propos. C’était le recovery room.
Nommée Professeur des Universités et Chef de Service en 1976, elle eut pendant plusieurs années un seul objectif : faire reconnaître l’anesthésie-réanimation en chirurgie cardiaque en tant que telle et obtenir la création d’un vrai service indépendant. Ce combat intense arriva à son terme en 1983 avec l’inauguration du service de Réanimation Chirurgicale appelé dans le jargon de l’Hôpital Louis Pradel, le B16.
Dès son retour aux Hospices Civils de Lyon, Suzanne Estanove eut le souci de créer une équipe et pour cela s’appuya sur les collaborations de Bernard Du Grès, Michèle George et Hélène Maret. L’équipe grandit progressivement en fonction de l’introduction des nouvelles techniques pour atteindre 25 Médecins anesthésiste-réanimateurs dans les années 90. Cette période fut également marquée par un investissement particulier pour assurer le développement de l’activité de transplantation cardiaque. C’est à cette méme époque que, devant son attitude toujours indulgente, encourageante mais au besoin critique, elle fut surnommée tant par ses collaborateurs que par les chirurgiens « la maman ».
Ayant le but d’améliorer la prise en charge des patients, ses collaborateurs étaient toujours invités à s’impliquer dans les travaux de recherches qu’ils soient fondamentaux ou cliniques. Pour ce faire, elle a donc été toujours soucieuse de maintenir les relations avec les autres centres de chirurgies, en développant les échanges avec ces centres, encourageants toujours ses élèves à se déplacer pour voir les nouvelles techniques tant en France qu’à l’étranger. Les relations avec l’Institut de Cardiologie de Montréal firent partie des actions importantes qu’elle mena à cette époque. Dans cette méme optique, elle a été un élément moteur dans la création de l’European Association of Cardiothoracic Anaesthesiologists - EACTA - en 1985 ; association dont elle organisa le congrès en 1988 à Lyon.
Dès son retour, aux Hospices Civils de Lyon, elle participa bien entendu à l’enseignement des l’anesthésie réanimation, et donna de nombreuses conférences tant en France qu’à l’étranger sur l’évolution de la prise en charge anesthésique des patients bénéficiant de chirurgie cardiaque. Son enseignement porta ses fruits puisque trois des ses élèves furent nommés Professeurs des Universités : Jean-Jacques Lehot, Claude Girard et Olivier Bastien.
Enfin de carrière, son service étant organisé et l’anesthésie-réanimation reconnue, elle s’éloigna un peu des activités cliniques quotidiennes pour s’impliquer la gestion hospitalière dès 1991, en devenant Présidente du Comité Médical Consultatif de l’Hôpital Louis Pradel, fonction qu’elle assura jusqu’en 1994, date de sa retraite, où elle céda les fonction de chef de service à Jean-Jacques Lehot.
Mais après une vie professionnelle aussi active, elle ne pouvait s’arréter brutalement et elle resta parmi nous encore deux ans comme consultant, prodiguant ses conseils aux plus jeunes, tout en assurant la mission qui lui avait été confiée de rendre uniforme le dossier médical sur l’Hôpital Louis Pradel, et il reste aujourd’hui encore, malgré l’informatisation croissante, des traces de cette action.
Et c’est définitivement en 1996, que Suzanne Estanove se retira de la vie professionnelle active. Tout en gardant une activité de conseil auprès des plus jeunes souhaitant embrasser la carrière hospitalo-universitaire.
Suzanne Estanove était, bien sà »r, membre de nombreuses sociétés savantes.
Je voudrai ici, au nom du Président de la Commission Médicale d’Etablissement des Hospices Civils de Lyon, du Président de l’Université Claude Bernard   et des deux Doyens de Faculté ainsi que de l’ensemble de la Communauté Médicale des Hospices Civils de Lyon apporter un témoignage de reconnaissance de l’action menée par Suzanne Estanove en tant que médecin, Chef de service des Hôpitaux et Professeur des Universités.
Le Professeur Estanove était Chevalier dans l’Ordre National du Mérite, et Professeur Honoris Causa de l’Université de Kunming en Chine.