Par une belle nuit de printemps 1968, j’étais de garde aux Urgences-porte de l’Hôpital Raymond Poincaré à Garches.
La nuit avait été très calme, lorsqu’au petit matin la Police de Versailles amenait un homme d’une trentaine d’années qu’on avait trouvé inconscient dans les bois de Fausses Reposes, près de Versailles : il gisait à côté d’un petit étang, de fait en état de mort apparente. Il était trempé et on ne savait pas si c’était la rosée ou s’il avait songé à se noyer.
Malgré le pronostic fâcheux, je me mis en devoir de la ranimer : massage cardiaque, intubation et ventilation, pose d’une perfusion, ECG, prise de sang , etc. ce que tout le monde aurait fait .....
Mais après 3/4 d’heure aucun signe de vie n’apparaissait. On continua encore, sans y croire et finalement après largement plus d’une heure j’abandonnai et signai le décès ...
Le mort fut débarrassé de tout l’attirail de réanimation, placé sur un chariot et mis en attente dans la pièce voisine.
Puis, j’allais finir ma nuit dans la chambre de garde ... lorsque ... une bonne demi heure plus tard, l’infirmière des urgences-porte me rappela : le mort bougeait ... !!!!
Bon sang mais c’est bien sûr ! il était sûrement en hypothermie !!!! J’allais en courant dans le service de mon Patron, le Pr. Goulon, et me saisis de "The Thermomètre à Hypothermie" qui se trouvait dans le bureau de la secrétaire. Je courus aux Urgences.
Le jour s’était levé et un premier rayon de soleil s’attardait sur le linceul du désormais pseudo-mort.
Effectivement il avait quelques hoquets respiratoires, un pouls archi-lent. Sans aller plus loin dans l’examen on recommença la réanimation et le mort bientôt consentit à nous témoigner de sa vie revenue. Le thermomètre à Hypothermie conforta le diagnostic et une fois stabilisé on le transporta dans la Réa du Pr Goulon, aux bons soins de son Chef de clinique, Gajdos.
A midi, je retrouvais Gajdos en salle de garde et bien sûr lui demandais des nouvelles du Ressuscité.
Pour toute réponse, il me déclara dans un éclat de rire : " Finalement c’est relativement facile de ressusciter un mort, mais ressusciter une mort administrative, c’est presque mission impossible".
Il avait en effet passé toute sa matinée, d’abord aux Admissions de l’Hôpital puis à l’État Civil de la Mairie de Garches, où mon certificat de décès était arrivé....