Vers 1950, des infirmières anesthésistes américaines se cherchent un saint patron et voudraient bien que ce soit un professionnel de la santé de l’Amérique du Nord. Apprenant que saint René Goupil est un chirurgien qui a pratiqué son art près de Québec, Canada, elles le désignent donc comme patron de leur profession.
Depuis ce temps, de plus en plus d’anesthésistes, tant infirmières que médecins, s’adressent à saint René pour aide et protection.
Histoire de ce saint patron ?
René Goupil voit le jour en mai 1608 au Grand Oncheray dans la paroisse de Saint-Martin-du-Bois près d’Angers, France
Rien n’est connu de René Goupil pour certain jusqu’à son arrivée au noviciat jésuite de Paris en 1639, où l’inscription latine de son entrée fait savoir qu’il est chirurgien :
"René Goupil de la paroisse Saint-Martin du diocèse d’Angers, né le 15 mai 1608, âgé de 31 ans, chirurgien , sait lire et écrire. Entré le 16 mars "
Où a-t-il appris la chirurgie ?
Possiblement à l’hôpital Saint-Jean d’Angers, sur le tas. En ces temps d’épidémie et de désertion des hôpitaux par les médecins, tout bénévole est bienvenu et peut facilement se familiariser avec les soins à donner aux malades !
Mais plus probablement à Orléans. En cette ville, un Collège de maîtres chirurgiens donne un enseignement formel avec pratique au Grand Hôpital d’Orléans ou Maisondieu. Un passage tiré des Relations des Jésuites de 1643 le laisserait croire, car c’est là , à Orléans, que René Goupil aurait connu François Gendron, ce chirurgien qui est venu le remplacer en Nouvelle France, après sa mort :
Or François Gendron a fait des études complètes de chirurgie à Orléans de 1638 à 1643 et René Goupil aurait pu y faire ses premières années d’apprentissage en 1637-38. Ils seraient alors devenus camarades en 1638…
Le séjour de René Goupil au noviciat jésuite de Paris ne dure que quelques mois et il doit quitter à cause de diverses indispositions corporelles et aussi à cause d’une surdité partielle " quia surdaster. "
Bref historique de la ville d’Angers
Il serait venu en Nouvelle France sur l’un des navires partis de Dieppe fin juin 1640 car, cette méme année, René Goupil est déjà à Sillery près de Québec, Canada, au service des Jésuites. Il est aussi chirurgien à l’Hôtel-Dieu des Religieuses Hospitalières de Dieppe (Augustines de la miséricorde de Jésus) qu’elles viennent de déménager de Québec à Sillery pour étre plus près des Amérindiens.
De 1640 à 1642, pansements et saignées sont les activités courantes de Goupil auprès des autochtones de Sillery. Au printemps de 1642, en forét, au milieu de la nuit, il va réanimer une amérindienne en choc hémorragique.
Afin de la faire baptiser, on envoie quérir un Père à Sillery qui se fait accompagner d’un jeune chirurgien . Arrivé sur les lieux, passé minuit, René Goupil " luy donne une potion cordiale, elle revient à soy. " Comme Goupil " assuroit qu’elle n’en mouroit pas ", le Père retarde le baptéme et, pour son voyage de retour de plus de 15 kilomètres, il " s’embarque avec les Nochers dans une escorce façonnée en gondolle ", Goupil comptant parmi les nautoniers.
Mais les besoins d’un chirurgien deviennent beaucoup plus pressants à la mission des Jésuites chez les Hurons, 600 kilomètres à l’ouest de Québec. René Goupil est bien d’accord pour s’y rendre.
à€ peine parti, il tombe dans une embuscade près de Berthier, Québec, Canada, et devient prisonnier des Iroquois qui l’amènent, lui et les autres survivants de l’escarmouche, en Iroquoisie située dans le nord de l’Etat de New York.
En cours de route, il demande au père jésuite Isaac Jogues de devenir membre de la Compagnie de Jésus :
Le père Jogues acquiesce.
René Goupil aura connu toutes les "caresses" réservées aux prisonniers de guerre comme bastonnade et brà »lures. Méme qu’à son arrivée au premier village des Iroquois, Ossernenon,
" On s’adresse a luy et luy couppe-t-on le poulce droict a la première joincture disant incessament durant ce tourment Jesus Maria Joseph. "
Comme anesthésie pour son amputation, ce chirurgien ne peut s’offrir que la mélopée répétitive et hypnotisante des Jésus-Marie-Joseph.
Le 29 septembre 1642, on ordonne à un guerrier qu’il "casse la téte" de Goupil à coups de tomahawk, les Iroquois prenant prétexte d’un geste malséant et malfaisant qu’il a posé sur un enfant du village. Son corps est ensuite laissé comme jouet à des jeunes qui le traînent en dehors du village pour, à la fin, l’abandonner aux chiens, corbeaux et renards. Ce n’est qu’au printemps suivant que le Père Jogues, son compagnon d’infortune toujours en sursis de mort, peut enterrer dans les bois environnants son crâne et quelques os restants.
Ce méme père considère déjà René Goupil comme un martyr :
particulierement parcequ’il a esté tué pour les prieres et nommement pour la Ste croix. […] Il estoit dans une Cabane ou il faisoit presque toujours des prieres cela ne plaisoit gueres a un vieillard supersticieux qui y étoit. Un jour voyant un petit enfant de 3 ou 4 ans de la cabane, osta son bonnet et le mit sur la teste de cet enfant et luy fit un grand signe de croix sur le corps ; ce vieillard voyant cela commande à un jeune homme de sa cabane qui devoit partir pour la guerre de le tà¼er, ce qu’il executa comme nous avons dit. "
La mere mesme de l’enfant dans un voyage ou je me trouvé avec elle me dit que c’estoit à cause de ce signe de Croix qu’il avoit esté tué, et le vieillard qui avoit faict le commandement, un jour qu’on m’appella dans sa cabane pour manger, comme je faisois le signe de la Croix devant, me dit : Voyla ce que nous haissons, voyla pourquoy on à tuè ton compagnon, et pourquoy on te tuera. Nos voisins les Europeans [Hollandais] ne font point cela.
En 1930, René Goupil est canonisé en méme temps que sept autres martyrs jésuites de l’Amérique du Nord. L’année 1940 voit ces martyrs jésuites devenir patrons secondaires du Canada.
On peut aller prier René Goupil au sanctuaire des saints Martyrs canadiens de Midland, Ontario, Canada. Mais il est plus particulièrement remémoré et vénéré au Shrine of our Lady of Martyrs d’Auriesville, New York.
Sa féte se célèbre le 19 octobre (sauf au Canada : 26 septembre).
Tout dernièrement, certains sourds américains, membres de l’International Catholic Deaf Association, ont commencé à considérer René Goupil comme l’un de leurs patrons parce qu’il a été sourd lui-méme, qu’il a accepté son handicap sans mot dire et aussi parce qu’il a persévéré toute sa vie, en gardant toujours espoir, avant de réaliser son plus grand désir : devenir jésuite.
Durant sa vie, René a fait montre de plusieurs autres qualités exceptionnelles comme patience, douceur, humilité, soumission. Qualités toutes dignes d’étre imitées…
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Timbre RENE GOUPIL
Postes Canada permet l’émission restreinte de timbres personnalisés à certaines conditions.
En 2001, après avoir suivi les nombreuses conditions exigées, j’ai demandé et obtenu l’émission de 75 timbres RENE GOUPIL.
Au préalable, j’avais stylisé le signe de croix que René Goupil avait fait sur un jeune enfant dans une cabane, alors qu’il était prisonnier des Iroquois agniers (les Mohawks) au mois de septembre 1642 [ce fait est rapporté dans le narré d’Isaac Jogues]. Et j’en avais soumis la photo à Postes Canada qui l’avait acceptée pour l’émission restreinte du timbre RENE GOUPIL.
Jean Quintal 20 avril 2002
CREDIT PHOTOGRAPHIQUE
Photo 1 - St. René Patron of Anesthetists.
American Association of Nurse Anesthetists, 1994.
Photo 2 - Grand Oncheray.
Xavier Moreau, 1998.
Photo 3 - Baptéme de René Goupil , 15 mai 1608.
Saint-Martin-du-Bois (France).
Photo 4 - Noviciat de Paris 1639.
Francia 22, f. 359v. - Archives jésuites ARSI, Rome (Italie).
Photo 5 - Sillery - Ossernenon, 1640-42.
Sylvie Chapdelaine, 1998.
Photo 6 - René Goupil , le signe de croix, 1642.
Marie-France André-Daem, 1993.
Avec autorisation des Archives jésuites ASJCF, St-Jérôme (Québec, Canada).