Au flanc du presbytère est la serre du révérend, un bâtiment modeste où l’on se doit tenir téte baissée ; peaux et bacs s’y entassent dans la touffeur des géraniums. James s’y est ménagé un coin destiné à ses expériences et il est heureux de constater que ses plans de chanvre indien, dans leur terreau paillé, ont survécu aux nuits de gel.
Il vérifie ses éponges sur la claie, balaye les prémices d’une toile d’araignée, pend l’une des plus petites éponges qu’il fourre dans sa poche.
Ces éponges sont sa joie, le plus beau fruit – dieu sait pourtant combien perfectible – de ses travaux sur les analgésiques. Voilà six mois qu’il y travaille, depuis qu’il a écrit à Jack Cazotte de Douvres……
Trois semaines plus tard un paquet arrivait, odorant, soigneusement emballé, le premier d’une longue série. Il y a eu des herbes, des graines, des mélanges, et les conseils de Cazotte, des passages copiés d’une main sà »re dans les ouvrages savants auxquels il n’avait pas accès. C’est ainsi que, de Pline, il a appris les vertus de la mandragore, dont la racine, macérée dans le vin, constituait autrefois un remède qu’on administrait aux torturés dans des intentions charitables ou cyniques.
Il a mélé le vinaigre et la myrrhe d’Asie pour concocter, avec une étrange exaltation, le breuvage qui fut offert, au Christ en croix – offert et refusé -.
La recette des éponges lui vient d’un manuscrit datant de Guillaume le Conquérant : chacune est plongée dans une décoction d’opium, de jusquiame fraîche, de mà »re verte, de graines de laitue, de ciguà« , de mandragore et de lierre. Imprégnées de ce précieux chargement, les éponges sont mises à sécher au soleil ; il suffit de les mouiller pour s’en servir…..