Les précurseurs
A la suite de la découverte du système circulatoire par William Harvey en 1628, Percival Christopher WREN, professeur d’astronomie d’Oxford, architecte de renom (Abbaye de Westminster et plus de 50 églises après le grand incendie de Londres), fut le premier, en 1658, à injecter des "grains d’opium" dilués dans du xérès dans les veines d’un chien. Ce dernier, après une période de stupéfaction, survécut. Major et quelques autres reprirent l’expérience sans trop de problème. L’arrét de la transfusion en 1670 stoppa les injections intraveineuses.
En 1814, le Baron Pierre François PERCY (1754-1825) introduisit, dans les veines crurales de tétaniques, de l’extrait d’opium à petites doses. Sur 7 essais faits sur des soldats russes traités à l’Hôpital de l’Abattoir (Ménilmontant), PERCY obtint 3 guérisons. Il s’agit donc des premières sédations en réanimation€¦.
La première anesthésie intraveineuse
Pratiquée en 1872, la première anesthésie générale mondiale par voie intraveineuse est due au chirurgien bordelais Pierre Cyprien Oré. (fig. 1)
L’originalité d’Oré fut moins dans le choix de la drogue employée, le chloral, que dans la méthode utilisée, l’anesthésie générale se faisant à l’époque par inhalation de vapeurs anesthésiantes (chloroforme, puis éther).
Malgré ses succès, les travaux d’Oré suscitent une hostilité quasi générale. Heureusement, M. Deneffe, professeur à Gand propose à Oré de poursuivre ses recherches en Belgique. La méthode peut alors se développer, de telle sorte que bientôt, l’anesthésie au chloral va remplacer le chloroforme à l’hôpital de Gand.
A partir de 1904, date de la synthèse du barbital par Fischer et Von Merig, les barbituriques remplaceront le chloral dans la pratique de l’anesthésie intraveineuse.
Evolution des produits
En 1905, Krawkow et Fedoroff utilisent l’Hedonal (dérivé de l’urethane) qui donne une anesthésie correcte avec des effets secondaires acceptables.
A partir de cette date, l’anesthésie intraveineuses se développe en fonction de la découverte de nouvelles molécules de plus en plus performantes (tableau I). (fig. 2-3)
Dates | Auteurs | Produits |
1872 | Oré | Hydrate de chloral |
1905 | Krawkow et Fedoroff | Hedonal |
1909 | Burchhardt | Diethyl éther + chloroforme |
1913 | Noel | Paraldéhyde |
1916 | Peck | Sulfate de magnésium |
1921 | Naragawa | Ethyl alcool |
1921 | Bardet et Fredet | Somnifen |
1924 | Bogendorfer | Dial |
1927 | Keller | Alurate |
1927 | Bumm | Pernoston |
1929 | Kirschner | Avertin |
1929 | Weiss | Phenobarbital |
1929 | Lundy | Amytal |
1931 | Lundy | Nembutal |
1932 | Weese | Hexobarbital |
1934 | Lundy | Thiopental |
1934 | Desplas | Soneryl |
1936 | Fitzpatrick | Methitural |
1943 | Dille | Cyclopal |
1950 | Helrich | Thiamylal |
1955 | Sternbach | Librium |
1956 | Howland | Hydroxydione (Viadril) |
1957 | Gruber | Composé 22451 |
1958 | Greifenstein | Phenyclidine |
1959 | Lear | Cyclohexamine |
1960 | Laborit | Gamma OH |
1960 | Taylor | Methohexital (Brietal) |
1965 | Stovner | Valium |
1967 | Virtue | Ketamine |
1968 | Doenicke | Propanidid |
1971 | Clarke | Alfatésine |
1973 | Doenicke | Etomidate |
1977 | Glenn, Rolly | Propofol |
1980 | Eltanolone |
– Le premier barbiturique a été utilisé en 1921 par Bardet en France pour une anesthésie intraveineuse. Le premier barbiturique utilisé à une large échelle a été le Pernoston en 1927.
– L’Evipan
a été le premier barbiturique à action courte, utilisé dès 1932, il avait des effets d’excitation importants. Son utilisation a méme été interdite dans les hôpitaux de Paris, une "véritable bataille de l’Evipan" ayant été rapporté par Monod. (fig. 4)
– Le pentothal a été utilisé dès 1934 par Lundy et Waters. Son utilisation comme agent mono-anesthésique entraînait des effets secondaires importants. Il a été la cause de nombreuses morts à Pearl Harbor chez les blessés choqués et il a été qualifié à l’époque comme "une méthode idéale pour l’euthanasie".
– Les benzodiazépines ont été synthétisées dès 1955. Utilisées d’abord en prémédication elles ont été introduites (valiumR) en anesthésie générale à partir de 1965. Le midazolam a été la première benzodiazépine d’action courte conçue pour l’anesthésie. L’antagoniste (anexateR) a été conçu en 1987.
– A la méme époque, les recherches des effets hypnotiques des stéroïdes aboutissent et le Viadril est commercialisé. Il sera suivi en 1971 par l’alfatésine qui a été arrété quelques années plus tard en raison des effets allergique de son diluant (cremophor).
– Le gamma OH découvert par Laborit en 1960 a surtout été utilisé pour les césariennes. Il n’a jamais été admis par la FDA aux USA.
– La kétamine est découverte en 1957 mais elle n’est entrée en pratique clinique qu’en 1970. Son utilisation est toujours d’actualité, surtout dans les pays en voie de développement
– Le Propanidid (epontol) a eu son heure de gloire en France et il n’a été arrété qu’en raison du cremophor.
– L’Etomidate date de 1971 et reste encore d’usage courant
– Le propofol synthétisé en 1970 par Glenn est devenu l’anesthésique de référence moderne des années 1990. Il va permettre le développement de l’anesthésie à objectif de concentration (AIVOC).
Les concepts
L’anesthésie balancée date de 1900 avec Crile avec une association anesthésie générale et anesthésie locale. Le terme a été proposé par Lundy en 1926 pour l’association prémédication+ AG + AL. En 1938, l’association concerne Thiopental + O2 + CO2 et en 1947 le concept évolue vers une association hypnotique, opioïde, curare.
La neuroleptanalgésie a été introduite en 1954 par Laborit et Huguenard et comportait des neuroleptiques et des opioïdes.
Les notions de pharmacocinétique et de pharmacodynamie ont été introduites en 1950 par Brodie. Le premier modèle décrit a été celui du penthotal. La notion de modèle multi-compartementaux date de 1978 et la notion de compartiment effet est définie par Hull en 1978.
L’origine de l’AIVOC est due à Kruger-Thiemer en 1969 mais les travaux ont réellement commencés dans les années 1980 avec Ausems, White, Doze, Shaffer, Sear, Faulconer (fig. 5). La réalisation commerciale date de ces dernières années et a été développée par Zeneca avec les "diprifusorTM".
Le concept de "Contex sensitive half time" a été défini par Hugues en 1992 et va permettre de prévoir le temps d’élimination des anesthésiques intraveineux.
La notion de boucle fermé est en court de développement et commence à se faire par l’analyse de la profondeur d’anesthésie (EEG ou potentiels évoqués).