INJECTIONS ET INFECTIONS
Les expériences de DASTRE et LOYE en 1888 sur le "lavage du sang" sont le point de départ de l’application de l’infusion à la thérapeutique des maladies infectieuses. Pour favoriser l’élimination des toxines, les cliniciens décident d’agir plus particulièrement sur l’émonctoire rénal en injectant des liquides dans les veines ou dans le tissu cellulaire : "l’organisme se comporte comme un vase poreux, rendant par l’urine, une grande part de l’injection, et éliminant le surplus par l’intestin, la bouche et la peau".(fig. 1)
En 1890, SAHLI, de Berne, fait le premier essai de lavage du sang chez l’homme. Il est suivi par POZZI, MICHAUX, PEYROT et LEJARS en 1895, DELBET, TUFFIER , HAYEM, MONOD, ROUTIER en 1896, SCHWARTZ, LEJARS, PINARD et MAYGRIER en 1897.
INJECTIONS D’EAU ET AUTRES INDICATIONS
Les autres indications d’injection de sérum salé sont rares à cette époque
1874 | Hilton FAGGE | P. de chaux + ClNa | réhydratation | Coma diabétique |
1892 | M. HUTINEL | Sérum salé | . | Adynamie chez enfant |
1893 | PORAK et BERNHEIM | Eau salé sous cutanée | diurétique | Albuminurie gravidique |
1897 | QUINTON | Eau de mer rendue isotonique | . | Tuberculose, Maladies mentales, Dermatoses Constipations Migraines |
En1885, H.H. HAMBURGER retient la solution de chlorure de sodium à 0,9% comme étant la plus isotonique pour le sang.
Les solutions s’enrichissent de bicarbonate de soude, de petites quantités de sels de chaux ou de potasse : solution de l’anglais RINGER (1880). Certaines solutions sont hypertoniques, telle la formule de CHERON à 2%.
Les volumes employés sont très variables : de quelques grammes à plusieurs litres. La vitesse d’injection reconnue comme non toxique pour tous les auteurs est de 2,5 à 3ml/min/kilo. La température du sérum doit étre environ de 40°C, car les manipulations et le passage dans les tubes suffisent à la refroidir de quelques degrés.
La stérilisation des liquides employés est une notion qui apparaît en 1870.
INJECTIONS DE LAIT
Symbole de vie, et de fertilité, le lait est un des premiers liquides injectés dans les veines de l’homme.
Marcille FICIN au XVème siècle, LOWER et CLARKE au XVIIème l’utilisent sans grand succès. L’infusion de lait refait son apparition au XIXème siècle, notamment en Amérique du Nord : HODDER à Montréal, HOWE à New-York, HUNTER à Philadelphie. Ce dernier préconise de filtrer le lait avant de pratiquer l’injection.
En 1878, l’américain THOMAS pratique l’injection intraveineuse de lait frais de vache saine chez des femmes épuisées par des hémorragies abondantes (1 guérison, 2 décès par infection et hémorragie interne). Il conclut à l’innocuité de ces injections.
En France, les travaux de LABORDE en 1873 passent inaperçus. Pourtant il préconise aussi la filtration du lait injecté, afin d’éliminer les plus gros globules. Il constate en effet, sur les animaux ayant subi l’injection, des ecchymoses sur les poumons, ainsi que sur le tube digestif et le mésencéphale. En 1879, MOUTARD-MARTIN et RICHET confirment ces embolies. En Italie NIGLIORANZA : "C’est une erreur de proposer la transfusion de lait au lieu de celle de sang. Le lait doit étre digéré pour devenir aliment."
INJECTIONS DE SUCRE
Les premières injections intraveineuses de sucre sont signalées en 1872 par MM. MOUTARD-MARTIN et RICHET :
"Le sucre injecté dans les veines est rapidement excrété par l’urine et provoque une polyurie intense et une sécrétion intestinale abondante." La méme année, FLEIG préfère le glucose et la "mannite" au lactose et au saccharose pour ses indications de "lavage du sang", les solutions sont alors isotoniques. Les solutions hypertoniques sont réservées dans les cas où il y a une indication urgente à rétablir rapidement la diurèse. HEDON et AROUS emploie une solution à 50%. Les injections de glucose sont également préconisées dans les cas d’acidose liés ou non au diabète, associées ou non aux injections d’insuline. Dans l’ensemble, ces injections de sucre ont fait l’objet d’un petit nombre de publications, car vraisemblablement à l’origine de peu de complications par rapport aux autres substances injectées (fig. 2).
INJECTIONS D’AMMONIAQUE
L’ammoniaque, contenu notamment dans la corne de cerf, était depuis longtemps considéré comme un antidote pour toutes les piqà »res venimeuses.
Vers 1776, VALLISNIERI avait sauvé un jeune homme mordu par une vipère, dans un état désespéré, au moyen de l’injection dans les veines d’une cuillérée à café d’esprit de corne de cerf. En Australie HALFORD de Melbourne rapporte plus de 20 cas traités, après morsure par des serpents très venimeux, tel le serpent brun, par injection d’ammoniaque. En France, P.C.Oré publie en avril 1874 un cas "d’injection d’ammoniaque dans les veines, pour combattre les accidents produits par la morsure de vipère" avec guérison.
Mais d’autres expériences ne s’avèrent pas aussi concluantes, notamment, en Inde.
AUTRES INJECTIONS
En 1870, LADEVI-ROCHE dresse la liste des substances alors injectées chez l’homme.
La notification des solutions injectables dans la Pharmacopée française se fait assez tardivement. Le codex de 1884 ne mentionne qu’une seule solution injectable (celle de chlorhydrate de morphine). Le supplément de 1895 mentionne : deux solutions de caféine, des solutions de cocaïne, une solution de quinine.
Appareillages
De nombreux appareillages sont conçus en tant que de besoin. Ils vont de la seringue, à la tubulure de perfusion et aux appareils de perfusion mécanique (fig. 3-6).
CONCLUSION
Au début du XXème siècle, la médication intraveineuse élargit rapidement son champ d’action. Elle permet d’augmenter sensiblement l’activité thérapeutique des médicaments employés, la pharmacologie faisant alors de rapides progrès.